Femmes : sociosexualité et stratégies sexuelles

Philippe Gouillou - 4 juin 2018 -https://evopsy.com/abstracts/sociosexualite-venalite.html
Tags :sociosexualité, Femmes
Muggleton & Fincher (2018) ont trouvé qu'en Inde comme aux USA les femmes suivent bien une double stratégie (court et long terme), et que plus elles montrent de sociosexualité, plus elles privilégient les critères génétiques (plutôt que matériels) dans leurs choix d'hommes pour des coups d'une nuit.

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Matthew Kane

Sommaire

Priming

Ponseti et al. (2018) ont montré qu'un simple priming1 de richesse peut rendre les femmes, mais pas les hommes, plus sensibles aux stimuli sexuels ultérieurs : une partie de la réponse à la question titre du livre Pourquoi les femmes des riches sont belles est bien programmée dans le cerveau...

L'argent fait-il donc tout ? Non, tout d'abord l'effet n'est pas très fort, et ensuite un effet proche a été obtenu avec un priming de relation sociale, ce qui laisse penser que tout type de resource importante pour la survie des enfants a un effet.

Stratégies

Le problème de l'homme idéal est qu'il doit répondre à beaucoup de contraintes ... qui sont en opposition : il doit montrer des qualités génétiques, et disposer de ressources (matérielles et sociales), et utiliser ces dernières au profit exclusif de la femme et de ses enfants. Or un homme bien placé sur les deux premiers types de critères sera recherché ... et aura donc plus d'occasions de remettre en cause son engagement, c’est-à-dire à ne pas remplir le troisième critère. Il s'agit d'une situation de "Trade-Off" (compromis, opposition, ...) et la femme doit optimiser.

Sa première solution est tout simplement de limiter ses ambitions : réduire ses désirs sur les premiers critères et choisir un homme un peu moins bien, mais de ce fait plus fiable. Un proverbe des années folles le résumait bien :

"Dans un couple il y en a toujours un qui aime plus, l'essentiel est de ne pas être celui-là"

Elle utilisera souvent aussi une solution complémentaire : celle de suivre deux stratégies en parallèle, une pour les relations à long terme et l'autre pour les relations à court terme. Cela revient à chosir des hommes plus beaux ou plus riches comme amants ... et à limiter ses ambitions pour se choisir un mari ... qui élèvera peut-être le ou les enfants des premiers2.

A un niveau plus global, selon leur situation, les femmes pourront privilégier une ou l'autre de ces stratégies, c’est-à-dire plus s'orienter vers des relations sexuelles à court terme ou au contraire privilégier la recherche d'un engagement longue durée. On retrouve la célèbre Dichotomie Madone/Putain : certaines privilégieront une stratégie "Madone" (qui garantit la fidélité) et d'autres une stratégie "Putain" (plus excitante mais offrant moins de garantie).

Au final, la tendance à avoir une vie sexuelle libérée, non contrainte, se mesure par la "sociosexualité".

L'étude

En 2017, Muggleton & Fincher ont cherché à distinguer les influences respectives de deux des critères principaux, à savoir les resources matérielles et les qualités génétiques de l'homme, sur les préférences des femmes, en distinguant à la fois la stratégie court/long terme mise en jeu, et leur sociosexualité à elles, et cela aux USA comme en Inde.

Pour ce faire ils ont donné à des femmes un budget (de "Mate Dollars") qu'elles pouvaient dépenser sur 6 critères matériels (reste à la maison, prévenant, patient, bon revenu, haut statut social, carrière réussie) et 6 critères génétiques (sens de l'humour, masculin, bon corps, athlétique, belle voix, attirant), et observé comment elles avaient dépensé leur "argent".

Les auteurs expliquent (gras ajouté) :

"Il a été demandé aux participantes de construire leur partenaire romantique idéal en dépensant 30 "Mate Dollars" sur 12 traits masculins (voir ci-après). Les instructions précisaient que chaque dollar dépensé était équivalent à 10 points de pourcentage. Par exemple, dépenser $5 sur le trait "athlétique" équivalait à "acheter" un partenaire qui était plus athlétique que 50% des hommes. Au démarrage de chaque essai, il était demandé aux participantes de construire leur "partenaire à court terme (i.e., coup d'un soir)" ou "partenaire à long terme (i.e. mari)". L'ordre de présentation des contextes était équilibré entre les femmes. Pour mesurer les préférences de partenaire des femmes, nous avons présenté aux participantes 12 traits masculins. Parmi ceux-ci, six étaient associés avec des bénéfices génétiques, les six autres étaient associés avec des bénéfices matériels. Ces traits étaient basés sur ceux identifiés dans le Women's Mate Preference Questionnaire (WMPQ; Lu et al., 2015). Lu et al. (2015) ont conduit une analyse par composante pricnipale pour identifier les items qui conceptualisaient le mieux les traits génétiques (Bons Gènes) et matériels (Bon Père, Bon Fournisseur). Suivant les recommandations des auteurs, les items les plus chargés en facteur ont été sélectionnés pour chaque catégorie. Les six traits génétiques étaient : sens de l'humour, masculin, bon corps, athlétique, belle voix, attirant ; les six traits matériels étaient : reste à la maison, prévenant, patient, bon revenu, haut statut social, carrière réussie. Après collecte des données, les Mate Dollars ont été cumulés pour donner un montant total dépensé sur les traits génétiques et un montant total sur les traits matériels pour chaque praticipant. De là, nous avons calculé la proportion des $30 dépensée sur les traits génétiques. Ainsi, si un participant avait dépensé $10 sur les traits génétiques et $20 sur les traits matériels, la proportion dépensée sur les trais génétiques était 0,33. Aucune action spécifique n'a été mise en place quand les participantes dépensaient les $30 sur soit des traits génétiques, soit des traits matériels. Les participantes ont choisi de dépenser $30 sur des traits génétiques dans 8,2% des cas, et $30 sur des traits matériels dans 1,7% des cas."
Muggleton & Fincher (2017)3

En moyenne, les femmes avaient donc 2,50 "Mate Dollars" pour chacun des 12 critères, ce qui selon le principe de calcul utilisé se traduit par un niveau inférieur à 75% des hommes (soit l'équivalent de 90 en QI Standard (M=100, SD=15)).

Les résultats

Les résultats ont montré une forte influence des deux critères de type de stratégie et de sociosexualité :

Muggleton & Fincher (2017), Fig. 1

On remarque en effet :

  1. Il y a bien deux types de stratégies (Court Terme et Long Terme) très nettement distinguées quel que soit le niveau de sociosexualité, ce résultat ayant été trouvé dans les deux pays ;

  2. Les critères génétiques sont plus important que les critères matériels pour les stratégies court terme, mais moins importants pour les stratégies long terme ;

  3. La sociosexualité n'influence que les stratégies à court terme, en augmentant encore l'importance des critères génétiques ;

Cette étude a également trouvé que les femmes Indiennes font moins de différence entre les stratégies à court et long terme, et cela indépendamment des différences de sociosexualité (autre chose est en jeu).

Les limites

Les auteurs signalent plusieurs limites à leur étude, dont les problèmes de traduction de la WMPQ, d'origine chinoise :

"Par exemple, le terme gù jiā, utilisé dans le WMPQ, est ambigu en anglais, et pourrait être traduit comme reste à la maison (comme traduit dans cet article), mais aussi comme restant près de la maison, étant à la maison souvent ou restant et s'occupant de la maison (Lei Chang, communication personnelle)."4

Ils remarquent également que leur étude permet de constater mais pas d'expliquer l'influence de la sociosexualité. Ils s'interrogent :

"Si l'effet observé est conduit par l'expérience sexuelle, alors cela suggèrerait que les stratégies d'accouplement efficaces sont apprises par essais-erreurs sur le marché de l'accouplement. Alternativement, il est possible qu'il soit bénéfique pour certaines femmes (ie: celles à faible sociosexualité) d'avoir des préférences similaires pour les relations à court et long terme, potentiellement pour accroître leur propre attractivité envers les hommes à fort investissement."5

Commentaires

La principale limite à prendre en compte dans cette étude est qu'elle mélange, dans les traits matériels, des critères de réussite et des critères d'engagement. Cela permet de distinguer les critères personnels (génétiques) des critères externes (matériels), mais dans le même temps, comme signalé précédemment, à un autre niveau réussite et engagement s'opposent : l'homme ayant réussi aura de multiples occasions de partir ailleurs...

Il reste cependant que, à l'opposé de ce qu'aurait pu faire penser Ponseti et al. (2018), la sociosexualité s'oppose à la vénalité et favorise les qualités génétiques. Cela vient confirmer l'hypothèse de l'utilisation d'une double stratégie par les femmes.

Références

Muggleton, N. K., & Fincher, C. L. (2017). Unrestricted sexuality promotes distinctive short- and long-term mate preferences in women. Personality and Individual Differences, 111, 169–173. doi:10.1016/j.paid.2017.01.054

Ponseti, J., Dähnke, K., Fischermeier, L., Gerwinn, H., Kluth, A., Müller, J., … Stirn, A. (2018). Sexual Responses Are Facilitated by High-Order Contextual Cues in Females but Not in Males. Evolutionary Psychology, 16(1), 1–9. doi:10.1177/1474704918761103

Abstract (Traduction et original)

Traduction personnelle

L'hypothèse de la double stratégie sexuelle affirme que les femmes sélectionnent différemment les hommes pour des relations à court ou long terme. Dans les relations à court terme, les femmes sont attirées par de bons gènes (ex : masculinité, attractivité); dans des relations à long termes les traits matériels (ex : bon revenu, patience) sont favorisés. Un prédicteur potentiel des stratégies d'accouplement des femmes est la sociosexualité, une mesure de la volonté d'un individu de s'engager dans des rencontres sexuelles casuelles, sans engagement. Nous nous sommes demandé si les femmes à haute sociosexualité (i.e. sexualité non restreinte) pourraient démontrer de plus grandes distinctions entre les préférences pour des relations à court ou long terme. Dans une étude en ligne, les participantes (N = 459) d'Inde et des USA étaient dotées d'un "budget d'accouplement" pour construire leur partenaire idéal pour des relations à court terme ou à long terme. Les Dollars d'accouplement ("Mate Dollars") pouvaient être dépensés soit sur des traits génétiques ou matériels. Comme attendu, les traits génétiques étaient favorisés pour les relations à court terme, et les traits matériels pour des relations à long terme. Cependant, les femmes avec une sexualité plus restreinte préféraient des partenaires à court terme qui ressemblaient fortement à ceux qu'elles préféraient pour du long terme. Les femmes des USA (avec typiquement une sexualité moins restreinte) montraient plus de différences que les femmes d'Inde (avec typiquement une sexualité plus restreinte). Au global, la sociosexualité d'une femme influence la différence entre ses préférences d'hommes pour des relations à court et long terme.

Abstract original

The dual-sexual strategy hypothesis claims that women select different men for short- and long-term relationships. In short-term relationships, women are attracted to good genes (e.g., masculinity, attractiveness); in long-term relationships, material traits (e.g., good income, patient) are favoured. A potential predictor of women's mating strategy is sociosexuality, a measure of an individual's willingness to engage in casual, uncommitted sex. We asked whether women high in sociosexuality (i.e., unrestricted sexuality) would demonstrate greater distinctiveness between short- and long-term mate preferences. In an online study, participants (N = 459) from India and the USA were apportioned a ‘mate budget’ to construct their ideal short- and long-term partners. Mate Dollars could be spent on either genetic or material traits. As expected, genetic traits were favoured for short-term relationships; material traits were favoured for long-term relationships. However, women with a more restricted sexuality preferred short-term mates who closely resembled their long-term preferences. Women from the USA (with typically less restricted sexuality) showed more distinctive preferences than women from India (with typically more restricted sexuality). Overall, a woman's sociosexuality influences the distinctiveness of her short- and long-term mate preferences.

Liens

Historique des modifications

Date Historique
26 mars 2019 Orthographe
4 juin 2018 1ère Mise en ligne

Notes


  1. Amorçage. Voir la Lettre Neuromonaco 2 : Manipuler sans se faire prendre : Priming et Subliminal 

  2. Voir les explications complètes dans Pourquoi les femmes des riches sont belles 

  3. Traduction personnelle depuis :

    "Participants were then asked to construct their ideal romantic partner by spending 30 Mate Dollars on twelve male traits (see below). Instructions indicated that each dollar spent was equivalent to 10 percentile points. For example, a $5 spend on the trait ‘athletic’ was equivalent to ‘buying’ a mate who is more athletic than 50% of themale population. At the start of each trial, participants were told to construct both their ideal “short-term partner (i.e., one-night stand)” or “long-term partner (i.e., husband)”. The presentation order of the relationship context variable was counterbalanced across women. To measure women's mate preferences, we presented participants with 12 male traits. Of these, six were associated with genetic benefits; the remaining six were associated with material benefits. Traits were based on those identified in the Women's Mate Preference Questionnaire (WMPQ; Lu et al., 2015). Lu et al. (2015) conducted a principal component analysis to identify items that best conceptualised genetic (Good Genes) and material (Good Father, Good Provider) traits. Following the authors' recommendations, items with the highest factor loadings were selected for each trait category. The six Genetic traits were: sense of humour, masculine, good body, athletic, good voice, and good-looking; the six Material traits were: stays at home, considerate, patient, good income, high social status, successful career. After data collection, the Mate Dollars were summed to give a total amount spent on Genetic traits and a total for Material traits for each participant. From this, we calculated the proportion of the $30 budget that was spent on Genetic traits. Hence, if a participant spent $10 on Genetic traits and $20 on Material traits, the proportion spent on Genetic traits was 0.33. No specific action was taken in cases where participants spent either $30 on Genetic or Material traits. Participants chose to spend $30 on Genetic traits in 8.2% of cases, and $30 on Material traits in 1.7% of cases."
    Muggleton & Fincher (2017)

  4. Traduction personnelle depuis :

    "For example, the term gù jiā, which was used in the WMPQ, is ambiguous in English, and could be translated as stays at home (as translated in the present report), but also as staying around home, being home a lot,or stay and care about home (Lei Chang, personal communication)."
    Muggleton & Fincher (2017)

  5. Traduction personnelle depuis :

    "If sexual experience is driving the observed effect, this would suggest that successful mating strategies are learned via trial and error in the mating market. Alternatively, it is possible that it is beneficial for some (i.e., restricted) women to possess similar short- and long-term mate preferences, potentially to increase their own attraction to high investing males."
    Muggleton & Fincher (2017)