La race en tant que proxy d'alliance

Philippe Gouillou - 10 février 2021 -https://evopsy.com/abstracts/race-alliance.html
Tags :HBD
Pietraszewski (2021) critique et confirme l'approche de Kurzban, Tooby, & Cosmides (2001) : la catégorisation par race est un proxy de détection d'alliance : 'la catégorisation raciale ne reflète pas l'attention portée aux caractéristiques physiques en soi, mais plutôt aux relations sociales'.

Téléchargez l'article en Format EPUB Téléchargez l'article en Format PDF

center

Synthèse

Kurzban, R., Tooby, J., & Cosmides, L. (2001) avaient affirmé dans un célèbre article que la catégorisation par race est une sorte de catégorisation par défaut, qui peut être remplacée par une autre selon les circonstances, par exemple en sport la couleur du maillot prime sur la race. Selon cette approche, l'intérêt d'une catégorisation par race est trop récente évolutionnairement pour avoir été sélectionnée et ne peut donc être qu'un effet secondaire d'une autre caractéristique sélectionnée, et cette dernière est la distinction d'alliance. En ce sens, la catégorisation par race apparaît donc une heuristique pour détecter les alliés, heuristique qui peut très rapidement être remplacée par une autre (exemple : la couleur du maillot).

Dans une toute nouvelle étude, Pietraszewski, D. (2021) critique la méthodologie de cette étude en montrant qu'elle ne suffit pas à prouver ce qu'elle affirme, et la refait en corrigeant ses faiblesses... pour confirmer ses résultats.

La méthode employée dans les deux études est de mesurer les différences d'erreurs de mémorisation en fonction des circonstances pour détecter si le testé avait catégorisé une information par la race ou par un autre critère :

center twothird

Pour éviter les faiblesses de l'étude originelle, Pietraszewski, D. (2021) a comparé plus de situations, et a aussi introduit le critère sexe. En accord avec la théorie de l'alliance, il a trouvé que :

  • Plus la situation est antagoniste, moins le critère race est utilisé
  • Le critère sexe ne montre pas une telle baisse

center twothird

L'approche de Kurzban, R., Tooby, J., & Cosmides, L. (2001) est donc bien confirmée.

Commentaires

Ce résultat ne surprend pas : au cours de l'histoire, la majorité de la population Européenne n'a pas eu l'occasion de rencontrer de personnes d'autres races, mais a parfois été confrontée à des alliances antagonistes avec des effets dévastateurs (guerres), il semble donc logique que nous ayons développé une capacité à distinguer les alliances et à leur accorder de l'importance, et que la différence raciale d'apparence physique, très visible, ait été utilisée comme heuristique faible (facilement remplaçable) dès rencontre des populations.

Mais la situation a changé. Sans qu'on sache encore si ces deux tendances sont liées, en même temps que la technologie nous fait de plus en plus communiquer et interagir facilement et utilement (et agréablement) avec des personnes dont on ne connait rien (ni la race, ni le sexe, ni l'âge), en dehors de leurs idées, on est de plus en plus confrontés à un diktat idéologique qui impose à la fois que les races n'existent pas et que les personnes de race blanche sont racistes. Pire : des groupes politiques (Black Lives Matter, etc.) exigent de plus en plus violemment que la "race" suffise à imposer des droits et devoirs différents.

center

En réalité, les races sont (comme les espèces, etc.) des classifications, c'est-à-dire qu'en effet elles n'existent pas (voir : Billet Eco 24 : La question de l’identité) mais peuvent être parfois pertinentes (voir : Races, Racisme et Evopsy), le racisme (comme le sexisme) étant une forme de collectivisme (id.).

Traduction de l'abstract

Le projet d'identification des mécanismes cognitifs ou des fonctions de traitement de l'information qui poussent les gens à classer les autres selon leur race est l'un des problèmes scientifiques les plus anciens et les plus importants sur le plan social de toutes les sciences du comportement. Cet article aborde une question cruciale avec l'une des rares hypothèses dans ce domaine qui a été jusqu'à présent couronnée de succès - l'hypothèse de l'alliance - qui avait prédit un ensemble de circonstances expérimentales qui semblaient cibler et modifier de manière sélective la catégorisation implicite des autres par leur race. Ici, nous montrerons pourquoi les preuves avancées en faveur de cette hypothèse n'étaient pas en fait des preuves à l'appui de l'hypothèse, contrairement à ce que l'on croit généralement. Nous fournirons ensuite les tests nécessaires et cruciaux de l'hypothèse dans le contexte d'alliances conflictuelles, en déterminant si les prédictions de l'hypothèse d'alliance de la catégorisation raciale tiennent en fait la route à un examen expérimental. Lorsque les tests sont adéquats, nous constatons que la catégorisation par race est effectivement réduite de manière sélective lorsqu'elle est croisée avec l'appartenance à des alliances antagonistes - le modèle même prédit par l'hypothèse d'alliance. Cette conclusion fournit une preuve expérimentale directe que l'esprit humain traite la race comme un proxy de l'appartenance à une alliance, ce qui implique que la catégorisation raciale ne reflète pas l'attention portée aux caractéristiques physiques en soi, mais plutôt aux relations sociales.
Pietraszewski (2021)1

Références

Kurzban, R., Tooby, J., & Cosmides, L. (2001). Can race be erased? Coalitional computation and social categorization. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS), 98(26), 15387–15392 doi:10.1073/pnas.251541498

Pietraszewski, D. (2021). The correct way to test the hypothesis that racial categorization is a byproduct of an evolved alliance-tracking capacity. Scientific Reports, 11(1), 3404 doi:10.1038/s41598-021-82975-x

Liens

  • The Way Of Men : la masculinité expliquée par l'Evopsy. Philippe Gouillou. Evopsy. 17 novembre 2019 (MàJ : 16 janvier 2021)

    "Un livre sur le mismatch : les hommes ont été sélectionnés dans un environnement où ils avaient un rôle vital, celui de créer un monde sécurisé, et maintenant qu'ils y sont parvenus se retrouvent dans un monde féministisé où ce qu'ils sont au fond d'eux est en permanence dévalorisé et diabolisé. Mais, contrairement aux livres habituels sur le sujet, The Way of Men ne cherche pas à trouver les moyens d'encore plus castrer les hommes, mais au contraire de leur permettre d'exister (et de s'épanouir) tels qu'ils ont été programmés à être."

  • Races, Racisme et Evopsy. Gouillou, Philippe. Evoweb. 12 octobre 2004

    "Il y a une différence fondamentale entre constater que tel groupe, défini de telle manière, montre plus souvent tel comportement, et imposer à ce groupe ce comportement : on ne peut mettre objectivement sur le même plan d'un côté constater que les Parisiens aiment bien partir pendant l'été en vacances à la mer et de l'autre imposer aux Parisiens ces vacances à la mer. Dans le premier cas il s'agit d'une constatation, valide avec un certain degré d'erreur, dans l'autre il s'agit d'un diktat."

  • Billet Eco 24 : La question de l’identité. Philippe Gouillou. Monaco Business News 68. 24 octobre 2019

    Billet Eco publié dans Monaco Business News n° 68 (Octobre 2019) : "Quelle est l’identité de Monaco ?"

  • Les origines racistes du Parti démocrate. Jules Alove. B-Mag. 18 juin 2020

    "L’histoire est complexe et non linéaire. Elle est en outre remplie de paradigmes qui transcendent ça et là les événements et leur future lecture historique. Oui, comme le dit l’adage, les vainqueurs écrivent l’histoire. Mais c’est insuffisant. Les vainqueurs de la guerre culturelle la réécrivent à leur sauce également. C’est exactement ce qu’il se passe avec l’histoire du Parti démocrate aux Etats-Unis, l’une des plus vieilles factions politiques du pays avec le Parti républicain."

Images

Historique des modifications

Date Historique
10 février 2021 1ère Mise en ligne

Notes


  1. Traduction depuis :

    The project of identifying the cognitive mechanisms or information-processing functions that cause people to categorize others by their race is one of the longest-standing and socially-impactful scientific issues in all of the behavioral sciences. This paper addresses a critical issue with one of the few hypotheses in this area that has thus far been successful—the alliance hypothesis of race—which had predicted a set of experimental circumstances that appeared to selectively target and modify people’s implicit categorization of others by their race. Here, we will show why the evidence put forward in favor of this hypothesis was not in fact evidence in support of the hypothesis, contrary to common understanding. We will then provide the necessary and crucial tests of the hypothesis in the context of conflictual alliances, determining if the predictions of the alliance hypothesis of racial categorization in fact hold up to experimental scrutiny. When adequately tested, we find that indeed categorization by race is selectively reduced when crossed with membership in antagonistic alliances—the very pattern predicted by the alliance hypothesis. This finding provides direct experimental evidence that the human mind treats race as proxy for alliance membership, implying that racial categorization does not reflect attention to physical features per se, but rather to social relationships.
    Pietraszewski (2021)